Lettre 646 : Claude Mallemans de Messanges à Pierre Bayle

[Paris, le 17 octobre 1686]

Monsieur Le seul desir d’estre dans vos écris pourroit obliger de plus illustres auteurs que moy à vous envoyer leurs livres[.] Mais je puis vous assurer que ce n’est pas tant ce motif qui me fait prendre la liberté de vous envoyer le mien [1] comme l’envie que j’ay de vous marquer un respect et une estime qui m’est commune avec tout ce qu’il y a de gens de bon goût. Il en a • paru d’abord six exemplaires qui n’estoient proprement que des épreuves mises entre les mains de quelques persones de conoissance. J’y ay reformé et mesme ajouté quelque chose qui / manquant dans ces six premiers rendoit l’ouvrage imparfait. Universel comme vous estes et plein de discernement sur touttes sortes de sujets, vous jugerez, Monsieur, mieux que personne de mes recherches historiques sur la quadrature du cercle, aussy bien que de la simplicité de ma solution : et vous remarquerez aisément une découverte que je fais, que si l’on prend, à l’infini, trois à trois, les lignes que j’apelle analogiques simples, l’excez de la premiere sur la seconde (en commençant par la plus grande) donnant son quarré, et la perpendiculaire • tirée de la premiére sur la seconde donnant aussy son quarré, la somme de ces deux quarrez est toujours quatruple du quarré de la troisiéme. C’est une propriété des sinus qui n’est pas de petite conséquence à l’égard du cercle, et qui n’avoit encore jamais esté remarquée. Vous estes si honeste, Monsieur, que j’espére que vous recevrez favorablement ce present, que • je vous prie de regarder comme une marque de la veneration avec laquelle je suis, Monsieur, votre tres humble et tres obeissant serviteur Méssange A Paris le 17 octobre 1686. •

Notes :

[1Claude Mallemans de Messanges (1646-1733), originaire de Beaune, entra à l’Oratoire en 1674 et en sortit quatre ans plus tard avant d’avoir reçu la prêtrise, pour devenir précepteur chez le duc d’Uzès, gendre de Montausier. On le donne parfois pour professeur de philosophie pendant trente ans au collège Du Plessis, mais il s’agit là, sans doute, d’un de ses frères, dont nous connaissons Etienne (1646-1716), auteur de poésies mondaines, et Jean (1649-1740), chanoine de Sainte-Opportune, historien de l’Eglise, traducteur de Virgile et de l’Evangile de saint Jean. Voir P. Papillon, Bibliothèque des auteurs de Bourgogne (Dijon 1742), ii.9-13 ; L. Batterel, Mémoires domestiques pour servir à l’histoire de l’Oratoire, éd. A.M.P. Ingold et F. Bonnardet (Paris 1902-1905, 4 vol.), iv.532-536. Claude s’intéressait aux mathématiques et avait des sympathies pour le cartésianisme. Il avait publié d’abord L’Ouvrage de la création, traité physique du monde, nouveau système, raisonnemens différens de ceux des anciens et des nouveaux philosophes (Paris 1679, 12°) – que Bayle avait mentionné dans les NRL, décembre 1685, art. II – et une Dissertation sur les comètes (Paris 1681, 4°) ; avec la présente lettre, il envoya à Bayle son ouvrage intitulé Le Grand et Fameux Problème de la quadrature du cercle résolu géométriquement par le cercle et la ligne droite (Paris 1686, 12°), que le journaliste devait recenser dans les NRL, novembre 1686, art. IV.

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