Lettre 714 : Pierre Bayle à Claude Nicaise

A Rotterdam le 25 juin [16]88

C’est repondre bien tard, Monsieur, à vos dernieres lettres [1] qui meritent neanmoins une infinité de remerciemens, mais j’espere que ce que je m’en vais vous dire m’excusera aupres de vous. Mr de Beauval se chargea de vous faire nos remercimens communs, et je sai que sa lettre est partie depuis long tems [2]. Outre cela Monsieur, comme j’ai repris toutes les fonctions de mon professorat de philosophie [3], on m’impose quant au reste par des conseils de medecins et d’amis tres officieux* la charge de me reposer, de sorte que par rap[p]ort à lire et à ecrire des lettres, je suis aussi quietiste, que l’année precedente ou peu s’en faut, tant est grand l’empire de M rs de la Faculté sur ceux memes qui[,] quand ils se sont toujours bien portés[,] parlent avec le plus de mepris de leur profession. Je me repentirois extremement de la deference que j’ai pour leurs ordres, si je pouvois croire que le retardem[en]t de cette lettre vous puisse faire soupconner qu’il manque / quelque chose à la sensibilité* et à la reconnoissance que me donnent vos excellentes lettres Monsieur, et la bonté que vous avez de m’envoier un exemplaire de la 2 e edition de L’Hemine [4]. Il n’est pas encore ici, mais les memoires sont deja entre les mains de Mr de Beauval [5] qui ne manquera pas de leur donner le relief et le beau tour dont il est si capable et si grand maitre, dès que l’ouvrage meme sera venu en sa puissance. Ayant mieux examiné le nom ecrit au bas de la lettre de Mr Cosset, j’ai veu qu’effectivement il pourroit y avoir Collet, et c’est ainsi que je mettrai à la [men]tion de la lettre que je veux lui ecrire au 1 er jour à l’adresse qu’il m’a donnée [6]. Je vous suis infiniment redevable de la peine que vous vous etes donnée pour cela, et sur quoi vous avez eté servi en homme qui a des correspondans par tout exacts et eclairés, et tels que le merite un homme de votre habileté et de votre merite. Je voudrois de tout mon cœur etre capable de vous etre ici de quelque usage n’y ayant personne qui vous honore plus que je fais, ni qui soit plus ardemment Monsieur votre tres humble et tres obeissant serviteur Bayle A Monsieur/ Monsieur l’abbé Nicaise/ A Paris

Notes :

[1Ces lettres de Nicaise à Bayle sont perdues. L’une d’elles est certainement celle à laquelle Janiçon faisait allusion dans sa lettre du mois de mai 1688 : voir Lettre 712, n.20. Il se peut d’ailleurs qu’il ne s’agisse que d’une seule lettre, car Bayle emploie souvent ce latinisme pour désigner un seul envoi épistolaire.

[2Henri Basnage de Beauval à Claude Nicaise, lettre du 3 juin 1688, éd. H. Bots et L. van Lieshout, Contribution à la connaissance des réseaux d’information au début du XVIII e siècle. Henri Basnage de Beauval et sa correspondance à propos de l’« Histoire des ouvrages des savans » (1687-1709) (Amsterdam, Maarssen 1984), n° 3, p.4-5. Voir le texte en appendice à la présente lettre.

[3Sur la reprise de ses cours à l’Ecole Illustre en février 1688 et des cours particuliers le 10 mai, voir Lettre 710.

[4Sur la deuxième édition de l’ouvrage de Claude Lancelot, Dissertation sur l’hémine de vin, voir Lettre 712, n.21.

[5L’ouvrage fut annoncé par Basnage de Beauval dans l’ HOS, juillet 1688 et recensé le mois suivant (art. II). Bayle informe Nicaise que l’« extrait » de l’ouvrage, envoyé par un collaborateur du périodique, est déjà arrivé à Rotterdam et qu’il suffit que Basnage de Beauval en remanie le texte pour publication.

[6La lettre de Philibert Collet est perdue, ainsi que la réponse de Bayle, et la lettre de Nicaise où il s’explique sur cette question. Voir Lettre 709, n.6.

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