Lettre 867 : Pierre Bayle à Gilles Ménage

[Rotterdam, le 22 mai 1692]

Monsieur,

Quand je montrai à Mr Leers la derniere lettre que j’ai eu l’honneur de recevoir de vous [1], il me dit qu’il vous avoit envoié la 2 e feuille [2], et qu’asseurement vous l’aviez recuë à l’heure que je lui parlois ; je sai qu’il y en a d’imprimées depuis celle là, et soiez en assuré comme si vous les aviez deja recues ; le grand nombre de choses que Mr Leers a à ecrire les jours de poste l’empechent de se souvenir de faire le paquet pour vous quand il a une feuille de prete ; je suis persuadé que vous verrez la fin de cette impression avant la fin de l’eté ; j’aime mieux Monsieur, vous marquer un terme plus long qu’il ne faut comme je l’espere, que de vous en marquer un plus court qu’il ne faudroit. On parlera de votre Diogene Laerce dans le journal de Mr de Beauval de ce quartier* [3] ; Wetstein [4] ne l’a pas encore envoié aux autres libraires ; tous nos savans l’attendent avec impatience.

Je vous avouë Monsieur que j’ai / quelque espece d’envie de m’eriger en faiseur de dictionnaire ; mon dessein est de composer un dictionnaire que j’apellerai critique, mais au lieu de vous expliquer ce que ce sera, je vous prierai d’attendre à vous en instruire que vous aiez recu l’exemplaire que je vous envoie d’un petit prodrome ou avant coureur de l’ouvrage [5] ; il est achevé depuis 7 ou 8 jours et contient sans la preface 25 feuilles ; quelques articles sur une partie des lettres de l’alphabet feront voir mon projet et ma maniere d’execution, qui m’etant un peu suspecte, a eté cause que j’ai eté bien aise de [le] donner à corriger au public. Je vous demande tres humblement Monsieur, vos bons avis, et vos doctes et charitables censures.

Je vous supplie de faire donner ce billet à Mr de Larroque [6] et de croire que je suis avec tout le respect et toute la veneration imaginable Monsieur votre tres humble et tres obeissant serviteur
Bayle

A Monsieur/ Monsieur l’abbé Menage/ au Cloitre Notre Dame/ A Paris

Notes :

[1Aucune des lettres de Ménage à Bayle ne nous est parvenue.

[2Il s’agit sans doute de l’édition du Mescolanze de Ménage, dont l’impression se faisait depuis quelque temps déjà : voir Lettres 726, n.11, 727, n.2, 736, n.1.

[3Sur cette nouvelle édition de Diogène Laërce, établie par Gilles Ménage et Marcus Meibom et imprimée par Henri Wetstein (Amstelædami 1692, 4°, 2 vol.), voir Lettres 736, 744, n.6, et 855, n.7. Henri Basnage de Beauval avait évoqué l’édition de Diogène Laërce par Ménage dans l’ HOS, avril 1689, mais il n’en fut plus question après cette date.

[4Sur Henrik (né Johann-Heinrich) Wetstein, membre de la célèbre famille d’éditeurs d’Amsterdam, actif entre 1676 et 1727, voir Lettre 285, n.5.

[5Bayle envoie à Ménage son Projet et fragmens d’un dictionaire critique : voir Lettre 864.

[6Ménage et Larroque se voyaient, semble-t-il, assez fréquemment : voir Lettres 767 et 853.

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