[Rotterdam, le 28 mai 1692]

Au très éminent Monsieur Jansson van Almeloveen Pierre Bayle fait ses compliments.

Il y a longtemps, très savant et très cher ami, que je vous aurais rendu le Gallia orientalis de Colomiès [1], récemment mort hélas, si je n’avais pas eu l’intention de vous envoyer en même temps un exemplaire du Projet de ce dictionnaire critique dont je prépare l’édition [2]. Etant donné en effet que, comme vous le savez, les travaux des imprimeurs sont toujours plus en retard qu’il n’est juste, du moins de l’avis des auteurs, et qu’ils ne terminent jamais leurs travaux en temps voulu, pour cette raison ce que j’avais cru devoir vous envoyer au bout de quelques jours a été différé de plusieurs mois. J’aimerais, à vrai dire, que vous fassiez attention, si par hasard je devais vous demander la permission d’utiliser quelque livre de votre bibliothèque très fournie, de ne pas m’obliger en tant que quelqu’un que vous soupçonneriez de garder longtemps et de trop retenir le livre prêté. J’aimerais que vous me supposiez susceptible de rendre plus consciencieusement à l’avenir de tels dépôts.

Jusqu’ici l’occasion et le désir nous ont manqué (je parle de Basnage [3] et moi) de faire un tour chez vous, au sujet duquel notre très illustre Monsieur de Mey [4] me tire l’oreille dans votre intérêt. Entre temps, je vous prie d’accepter dans un esprit d’indulgence ce minuscule présent, et confiez-moi sans rien cacher ce que vous pensez de mon projet [5] et ne craignez pas de m’indiquer toutes les erreurs qui seront tombées sous le tranchant de votre érudition. Vous agirez ainsi en ami ; sinon vous empêcherez mon ouvrage de sortir en un état suffisamment tolérable. Dans l’article « Erasme » p.256 et 266 mention est faite de votre ouvrage le plus récent, mais comme d’un livre à paraître, non pas déjà publié [6]. Cela a été fait parce que j’ai voulu que s’impriment en un jour quatre articles presque tous des premières lettres afin de persuader aux lecteurs qu’ils avaient été composés environ deux ans auparavant, ce qui apparaît en bien des endroits.

Portez-vous bien, homme très distingué, et continuez comme vous faites à me gratifier de votre amitié, moi qui vous honore et qui vous aime.

Donnée à Rotterdam, le 5 des Calendes de juin MDCLXXXXII.

 

A Monsieur/ Monsieur Almeloveen/ docteur en medecine/ A Tergou

Notes :

[1Sur cet ouvrage de Colomiès prêté par Almeloveen à Bayle, voir Lettres 843, n.25, et 850, n.5.

[2Sur le dernier ouvrage de Bayle, Projet et fragmens d’un dictionaire critique, voir Lettre 864.

[3Jacques Basnage et Bayle rendaient visite de temps en temps à Almeloveen à Gouda : voir 879.

[4Willem de Mey (?-1709), juriste et conseiller municipal de Rotterdam : voir Lettre 851, n.5.

[5Bayle lui envoie un exemplaire de son Projet : voir ci-dessus, n.2.

[6Bayle, Projet et fragmens, art. « Erasme », p.256, 266 : on ne trouve pas d’allusion au livre d’ Almeloveen dans l’article « Erasme » du Projet publié par Reinier Leers (Rotterdam 1692, 8°). Il n’y d’ailleurs aucune référence commune aux pages 256 et 266. Puisque Bayle affirme dans la présente lettre qu’il prépare l’édition de son Projet, on peut penser qu’il a supprimé ces allusions au livre d’Almeloveen. Celui-ci venait de publier son ouvrage Bibliotheca promissa et latens : huic subjunguntur Georgii Hieronymi Velschii de scriptis suis ineditis epistolæ (Gaudæ (1688) 1692, 8°) : voir Lettre 843, n.3.

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