Lettre 870 : Pierre Bayle à Gijsbert Kuiper
Monsieur
Je vous suplie tres-humblement d’agreer l’exemplaire de ce prodrome d’un dictionnaire critique [1] qui vous sera donné de ma part. C’est un hommage que tous les auteurs doivent à votre merite et au rang que vous tenez non seulement dans l’Etat, mais aussi parmi les plus doctes de ce siecle. Je vous le dois en particulier Monsieur, puis que je vis dans le gouvernement dont vous etes au timon [2], et que vous avez toujours eu quelque bonté pour / moi ; je vous en demande tres humblement la continuation. Je voudrois bien aussi que mon livre valut la peine que vous derobassiez quelques momens à vos importantes occupations, pour y jetter les yeux afin de me departir* vos bons avis sur la forme que je lui donne. Vos lumieres et vos indications de livres, et quelquefois aussi le pret de ceux que vous avez dans votre belle bibliotheque me seroient d’un grand secours, mais ce seroit peut etre vous trop importuner que de vous demander tant de bons offices à la fois.
Quoi qu’il en soit je serai toujours avec un respect extreme Monsieur, votre tres-humble et tres obeissant serviteur
à Rotterdam le 26/29 mai 1692
Notes :
[1] Bayle, Projet et fragmens d’un dictionaire critique : voir Lettre 864.
[2] Kuiper, député d’Overijssel aux Etats-Généraux, était une figure importante du parti des orangistes, dans lequel Jurieu jouait lui aussi un rôle clef : voir H. Bost et A. McKenna, L’Affaire Bayle, Introduction, p.21-23.
