Très docte Bayle
A l’incroyable affection pour moi que je reconnais dans chacune des très aimables lettres que je reçois de votre part, je m’efforce de répondre tout de suite – toujours en partie, ce qui fait beaucoup en tout. D’où il est arrivé qu’il y a quinze jours j’avais donné aux cochers de Rotterdam ma lettre de remerciement, si je puis dire ; ceux-ci n’ayant pu trouver votre résidence, que je croyais située sur le Scheepmakerhaven [1], m’avaient rendu vos lettres, que notre ami Monsieur de Mey [2] a néanmoins remises entre vos mains ; mais pourquoi il a tardé à le faire, vraiment je ne le sais pas et je regrette que cette faute nous ait exposés au soupçon de négligence. J’espérerais néanmoins que ces actions de grâce déjà bien exécutées ont pu exprimer mes plus grands remerciements pour votre présent très bien venu [3], et, en fin de lettre, une invitation à venir en excursion chez nous pour me libérer enfin du chagrin provoqué par mon désir de vous revoir, qui s’aggrave de jour en jour ; rien, à vrai dire, ne pourrait réveiller de vieux souvenirs comme de vous voir avec notre Basnage, bras dessus bras dessous, comme on dit, venus partager une légère et délicate hospitalité ; si vous amenez Monsieur Beauval [4] comme compagnon, plus grande sera ma gratitude et beaucoup plus grande si vous hâtez la marche.
Portez-vous bien, vous qui faites notre gloire, et ne cessez jamais d’aimer qui vous aime.
Donnée à Gouda le dix des calendes de juillet 1692
Notes :
[1] Bayle avait annoncé son déménagement : il habitait désormais sur le Wijnhaven : voir Lettre 865, n.8.
[2] Sur Willem de Mey, voir Lettre 851, n.5.
[3] Cette lettre a bien été rendue à Bayle : voir Lettre 872. Almeloveen y remerciait Bayle de son exemplaire du Projet et fragmens d’un dictionaire critique.
[4] Nous interprétons Bovallus comme la version latine de Beauval, désignant Henri Basnage de Beauval.
