Lettre 972 : Pierre Bayle à Etienne Morin

Monsieur
Je prens la liberté de vous envoier un exemplaire d’une reponse que je viens de publier pour justifier mes Cometes et ma lettre sur la conscience errante [1]. Ce seroit ce me semble faire tort à vos lumieres vives, justes, et penetrantes que de s’imaginer que vous fussiez capable d’apercevoir tout au plus et au pis aller que des erreurs indifferentes dans mon livre des Cometes, car puis que tous mes dogmes sont tirez des principes les plus orthodoxes touchant les perfections de Dieu, et que je les prouve par l’idée que nous avons tous de ces perfections dans le christianisme, il y auroit de la betise à supposer que je ne recon[n]ois pas les perfections infinies de Dieu, car y eut-il jamais homme qui tirat une consequence d’un principe sans recon[n]oitre ce principe[?] Il n’est donc question que de savoir si mes consequences sont justes ou si elles sont contraires à la doctrine de nos Eglises. Si elles y sont contraires je les deteste.

Mais je ne veux point vous prevenir, Monsieur, lisez je vous prie mes reponses en juge ; et recevez ceci comme une marque de mon estime profonde / et du respect avec lequel je serai toute ma vie Monsieur votre tres humble et tres obeissant serviteur
Bayle

A Rotterdam ce 14 de • mars 1694

Je ne sai par quelle bizarrerie cette lettre qui devoit etre dans le paquet que j’envoiai à Mr Brassard fut oubliée sur ma table. Voila pourquoi vous la recevrez tard.

A Monsieur/ Monsieur Morin professeur/ aux langues orientales et f[idele] / m[inistre] d[u] s[aint] E[vangile]/ A Amsterdam •