Lettre 360 : Jacob Spon à Pierre Bayle

[Lyon, novembre 1684]

[Lettre de M. Spon sur des observations de medecine.] Un de mes malades, marchand riche de cette ville, sujet à des coliques nefretiques causées par de gros gravier[s] qu’il fait de temps en temps, en fut attaqué d’une assez violente au mois de janvier 1684. Comme je n’hesitois pas sur la nature de son mal, je le traitai à l’ordinaire ; saignée, lavemens, potions lenitives, et fomentations. Il étoit soulagé, mais la douleur fixe au rein gauche revenoit toûjours, jusqu’à ce qu’elle se terminât heureusement tout-d’un-coup, après un élan de douleur, par un détachement d’un corps étrange qui sortit avec deux bons verres d’urine. On m’envoya querir pour examiner ce que c’étoit je trouvai au fonds d’une urine toute sanguinolente, ce corps étrange que je pris d’abord pour un ver. Néanmoins après l’avoir exactement consideré, lavé, et vû même avec une loupe, je n’y remarquai aucune tête, ni aucunes fibres orbiculaires qui le dussent faire prendre pour un ver. Ainsi je ne fis point de doute que ce ne fût un polype du rein, de la nature des polypes du cœur. Quatre ou cinq de mes collegues à qui je le fis voir, furent de ce sentiment. Ce polype étoit long d’un pied, lis et rond, de la grosseur d’une petite plume d’oye ; un peu plus gros à l’un des bouts, avec quelques fibres déchirées ; de sorte qu’il y a apparence qu’il étoit attaché par ce bout-là dans le bassin du rein, et que le reste remplissoit l’uretere ; que ces fibres se détachant avoient fait cette urine sanguinolente, et que le passage du rein étant bouché retenoit les gros graviers, lesquels poussez par l’urine qui faisoit effort à sortir, blessoient les reins par leurs parties raboteuses, et causoient la douleur que le polype seul n’auroit pas causé. En effet il fit immédiatement après ce polype, cinq ou six petites pierres sablonneuses de la grosseur d’un pois, et depuis il n’a point eu sa douleur. On a écrit en Italie un traité De re monstrosa à Capucino per urinam excreta [1], que quelques-uns croyoient être un ver, d’autres un serpent, sur quoi on a fait de grands raisonnemens. Peut-être étoit-ce un polype comme celui-ci.

Notes :

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