Lettre 1308 : Jacques Du Rondel à Pierre Bayle

• [Maastricht,] le 1 er oct[o]bre 1697

« Je ne savois pas, mon cher Monsieur que ce fut Oporin qui eut dit, aut agito paucis aut abi ; aut me laborantem adjuva : et j’aurois gagé le contraire sur la parole de notre illustre ami, qui cite cela comme de Zach[arie] Ursin, c’est un livre admirable que son Diction[n]aire et le plus commode livre du monde, et si j’etois autant prophete que l’apocaliptique Jurieu, je croirois que c’est de cet ouvrage que le jeune Pline a dit ; poteris undecunque inceperis, ubicumque desieris quæ deinceps sequuntur, et quasi incipientia legere, et quasi cohærentia : je trouve mon compte partout. Tout y fait corps et figure ; tout y est divers, et egayé, et c’est asseurement le premier gros livre qui n’a encore ennuyé personne. Il y a environ un an que vous eutes la bonté, de me l’envoïer : je vous en ay remercié du mieux, mon cher Monsieur, et je tacherois de vous en remercier encore aujourd’huy, si je pouvois me satisfaire sur un digne sujet. Tibi referre gratiam ne audeo quidem, quamvis maximé debeam : itaque ad vota confugio, deosque precor, ut hæce munere, quod in me contulisti, non indignus existimer. »

J’oubliay l’autre jour de vous remercier de la / faveur que vous m’avez faite d’asseurer Mr de La Roque de mes amitiés. Je l’estime extremement et voudrois bien [le] lui temoigner par quelque bon office.

J’ay montré le poëme de Mr de La Monnoye, qui a eté loüé, et admiré d’un chacun ; il ne se peut rien de plus aisé, de plus naturel, de plus fin, ni de plus latin. Autrefois maitre Theodore pouvoit ecrire de cette maniere ; encore ne sai-je : car il etoit trop plein de candide pour avoir cette liberté d’esprit qui se remarque dans Mr de La Monnoye. Avec votre permission, je retiendrai son poëme, tout prest pourtant à vous le rendre si vous le desirez. C’est asseurement une des plus jolies choses du monde : je la mets au dessus de tout ce qu’a fait Catulle avec tous ses imitateurs ; et s’il fallait se facher pour les morts, je le serois furieusement pour la cour d’Auguste, qui n’a point eu d’homme qui ait pu les divertir si ingenieusement, si delicatement, et si noblement. Mais hoc erat in fatis : qu’il falloit parvenir au siecle des moynes pour eguiser les beaux esprits, et pour faire des miracles à leur sujet. Je vous remercie tres humblement de ce beau poëme, et lors que vous pourrez m’en envoyer quelque autre du meme homme, n’y manquez pas, je vous en prie.

J’ay eté deux fois chez Mr le grand doyen sans le trouver. Mr Barthelemy vous remercie tres humblement, et vous asseure de ses respects.

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