Lettre 1309 : Jacques Du Rondel à Pierre Bayle

• [Maastricht,] le 2 oct[o]bre 1697

Aussitot receüe, aussitot portée, c’est de votre lettre que je parle, mon cher Monsieur ; elle a eté ouïe de Mr Bonhomme avec respect, avec admiration, et avec amour, tout comme j’avois fait / tout seul en la lisant pendant bien du tem[p]s. J’avois cru etre l’homme du monde qui vous honnoroit, et qui vous estimoit le plus : mais à ce que j’ay veu avant hier, Mr le grand doyen me le disputera toujours. C’est asseurem[en]t pour toute notre vie que lui et moi auront pour vous une veneration extreme, et un certain sentiment de distinction qui approche fort de ce qu’on appelle, adoration. Je lui dis pourquoi vous aviez tant voulu savoir l’affaire de Guastalla. Cela le rejouit fort, et le fit songer à quelque chose qu’il ne me dit pas ; mais en suite il se met à se plaindre de Delessart : ce petit drole ne lui a pas encore relié votre livre. Je lui dis aussi que dans votre ouvrage, il y avoit un mot sur Mr de Reckem, il en doit parler à Madame la comtesse de Tilly. Je l’ai asseuré (et je me souviens de cela, comme si je le voiois encore) qu’à moins d’etre sorcier, il n’y avait point moïen de lire les extraits que je vous envoyai sur la famille de Tilly, de sorte que si vous n’avez pas dit grand’chose, il faut s’en prendre aux memoires.

J’ay leu je ne sai combien de pages cette semaine, et n’ai trouvé à redire que, Victrix causa Diis placuit, sed victa Catonis : il faut Deis, page 641, second volume. Il y a [à] la page 855 Koiliakh|= no/sw| que l’interprete a rendu par colico morbo. Je crois que c’est le fluor cœliacus : prenez la peine d’examiner cela.

Au reste, mon cher Monsieur, quand j’ay païé la relieure, j’ay cru le devoir faire malgré vous. Il me semble qu’un livre où j’appren[d]s mille choses me doit couter quelque chose ; si vous etes liberal et magnifique, et si ma destinée me condamne à recevoir des livres de mes amis, il ne faut pourtant pas que je languisse dans la nécessité de tout devoir. Je vous remercie de votre incomparable / livre, et suis toujours votre tres obligé serviteur

Du Rondel

J’oubliois de vous dire que je n’ay leu à Mr le grand doyen que ce qui le concerne ; mais quand je ne vous le dirois pas, je crois que vous me feriez bien la grace de l’imaginer.

Je vous demande tres humblement pardon de vous avoir ecrit si souvent depuis quelque tem[p]s. Je m’imposerai silence doresnavant. Car enfin j’acheverai votre livre un de ces matins ; et quoique je l’admireray toujours ; il ne me sera pas permis de vous le loüer toujour ; verebor enim coram in eos te laudare amplius, ne id assentandi magis, quam quo habeam gratum facere existimas.

« Charles Quint », « Francois premier », et « Macedoine » ; surtout « Phaselis ». Si vous avez eu de l’urbanité à la page 1057, au sujet du sacré Jurieu, vous avez eu de la sublimité plus fine la page 814 de « Phaselis ». Je vous trouve en cet endroit au dessus de Balzac, mon heros illustrissime et sacrosanctissime.

Je vous remercie des nouvelles de Mr de La R[oque] et vous sup[p]lie tres humblement de 1’asseurer de mon estime, de mon amitié, et des vœux que je fais pour sa delivrance : je voudrois bien le pouvoir divertir par quelques nouveautez mais comme je vous l’ay dit autrefois, mon cher Mr, à moins qu’un libraire ne me fasse raison de la premiere édition d’ Epicure, par une seconde tres correcte, il n’y a point moïen de se remontrer. J’ay toujours sur le cœur d’avoir eté si mal servi. Ce printem[p]s, je verrai si je traduis bien, et élegamment votre divine reflexion, sur le, vis abdita de Lucrece, ce que je ferai de mon ressentiment : je dis, si je traduis bien ; car ce que vous remarquez du traducteur de Galois Priolo, m’en empe / chera possible bien fort.

Hier je me suis trouvé à « Junon » ; je vous en rends graces. Braves garcons que les pauliciens, et camarades mais garre les caloyers. Mr le grand doïen vous baise les mains.

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