Lettre 1320 : Pierre Bayle à Gaston de Bruguière

[Rotterdam, le] 31 e d’oct[obre] 1697

Je repon[d]s tout à la fois M[onsieur] M[on] T[rès] C[her] C[ousin] à vos dernieres lettres. Je suis sensible autant qu’on le peut etre à toutes les tendres protestations que vous me faites de votre amitié et de celle de ma cousine, et je vous puis asseurer sincerement que • j’ai pour vous et pour elle une amitié qui ne cede point à la votre.

J’ai recommandé votre affaire le plus fortement que j’ai pu et à diverses reprises. La personne que j’ai emploiée m’a promis de n’y rien negliger, et il m’a renouvelé plusieurs fois cette promesse. J’en atten[d]s une bonne issuë.

Je croiois repondre aujourd’hui à notre bon ami du Carla et à la belle dissertation latine que vous m’avez fait tenir de mon cousin votre neveu, mais voila qu’on vient de me mettre d’une petite partie de voiage dont je ne puis me dispenser. Faites je vous prie que notre ami sache la raison pourquoi je renvoie ma reponse à une autrefois. Envoiez-lui je vous prie ce que je vous ecris, afin que d’une pierre je fasse deux coups. J’ai eté ravi des lumieres philosophiques que j’ai vues dans l’ecrit latin : l’esprit, la netteté de l’expression, et la force du raisonnement y paroissent à l’envi, j’en ai une joie incroiable, et cela me fait concevoir de tres grandes esperances de l’auteur ; je lui repondrai directement une autrefois.

J’ai ap[p]ris avec beaucoup de douleur la mort de notre oncle de Burguiere le cadet. Il avoit si je ne me trompe plus de 60 ans.

Voila la paix conclue entre la France et tous les princes avec qui elle etoit en guerre. C’est une grande question si elle fera quelque changement aux affaires particulieres de ceux de la Religion en France. Ce qu’il y a de certain est qu’il n’y a rien qui les concerne dans les articles du traitté conclu avec l’Angleterre et la Hollande. Il est bien vrai que les princes protestan[t]s ont delivré un memoire aux plenipotentiaires de France par lequel ils prient Sa Majesté tres chretienne de traiter favorablement ses sujets de la Religion, mais on ne sait point ce qui sera repondu à ce memoire. Quelques uns pretendent que dans les conferences particulieres de Mr de Bouflers et du comte de Portland • il y eut des conventions verbales touchant la permission de revenir pour les refugiez avec jouissance de leurs biens et de la liberté de conscience, mais ce ne / sont que des conjectures, il faut attendre ce que le tem[p]s ap[p]rendra.

J’asseure de mes respects Monsieur Vennette, et je suis ravi d’ap[p]rendre la nouvelle que vous me mandez* de sa part touchant l’impression de Petrone. Ce ne peut etre qu’une bonne piece venant d’une si bonne main. Je serai des plus vigilan[t]s à la lire dès qu’elle paroitra.

Un fort habile homme qui joint avec un beau style beaucoup de connoissance du cartesianisme vient de publier 2 volumes à Paris de La Connoissance de soi meme. Il avoit deja publié un tome sur ce sujet. Je conseille cette lecture à nos 2 cousins du Carla comme aussi celle des Caracteres de ce siecle par feu Mr de La Bruiere. C’est un livre qui a eté admiré, et qui en tres peu de tem[p]s a eté rimprimé 8 fois à Paris, sans compter les editions de Lion et de Bruxelles qui sont en grand nombre. L’auteur des ouvrages de La Connoissance de soi meme est un benedictin de S[ain]t Denys nommé le Pere Francois Lami.

Je vous prie d’asseurer de mes tres humbles services Monsieur Boutet. Adieu M[on] T[rès] C[her] C[ousin] je suis tout à vous, et avec toute sorte de zele.

Je vis passer l’un de ces jours par ici un fils de Mr Du Gabe le medecin de Saverdun. Il me dit qu’il s’en alloit en Brandebourg, ou peut etre à Coppenhagen, et qu’il venoit de l’armée de France où il etoit capitaine. C’est de lui que j’ap[p]ris que le fils ainé de Mr Dusson s’est fait moine et que le second nommé Mr de Besac etoit auprès de Monsieur de Bonrepaux.

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