Lettre 1321 : Pierre Bayle à Hervé-Simon de Valhébert

A Rotterdam, le 31 e d’oct[obre] 1697

Suivant votre ordre, mon cher Monsieur, je vous envoie l’imprimé qui a donné lieu aux Reflex[ions] que je me donnai l’honneur d’envoier à l’illustre patron. Le paquet sera bien gros, et un peu trop pour la poste. Je vous enverrai par la voie de l’Isle les exemplaires que vous souhaitez de l’un et de l’autre. J’espere que desormais on ne sera pas si long tem[p]s à recevoir les paquets que l’on s’enverra. Je suis bien aise qu’enfin vous aiez recu ceux de Mr Grævius, je vous ren[d]s mille graces des deux pieces que vous avez fait tenir à l’Isle pour moi, je crains bien qu’elles ne soient long tem[p]s en chemin.

Les dimensions que vous m’avez marquées de la bibliotheque que vous dirigez m’en donnent une idée si relevée que je vous felicite d’avoir tant d’excellen[t]s livres sous votre main, etant si capable de vous en servir. Il ne vous faudroit, Monsieur, qu’un peu moins de distractions d’autre coté. Je vous remercie tres humblement de vos nouvelles lit[t]eraires. Nous sommes encore ici dans une grande sterilité à cet egard, mais ap[p]aremment la fin de l’année qui est ici le terme / ordinaire des grandes couches nous fournira de la matiere. Je voudrois vous pouvoir parler de visu de deux ou trois pieces que je ne con[n]ois que par oui-dire. L’une est une replique au P[ère] Daniel pour les Provinciales. Il y a deja 3 ou 4 lettres là dessus, et cela sera suivi de quelques autres. Celui qui m’en parla est janseniste, ainsi je ne sai pas s’il faut croire que ces nouvelles lettres soient dignes de celles de Mr Pascal. Il me dit aussi qu’il y a un imprimé contre la censure que Mr l’archeveque de Paris a faite de l’ouvrage intitulé Exposition de la doctrine de la grace[ ;] la censure y est refutée finement et fortement à ce qu’il me dit, mais le prelat y est menagé, et on l’excuse meme le plus qu’on peut. Peut-etre sont-ce des excuses un peu malignes.

Nous avons à Leide un Allemand nommé Crenius qui vient de publier un recueil de pieces eparses qui avoient paru en Allemagne en divers tem[p]s. Il y a joint quelques notes et une preface. Ces pieces concernent la theologie en tant qu’elle est jointe avec la critique et avec la philologie etc. Il y a par exemple une dissertation de Jean [V]orstius De stylo Novi Testamenti, et trois ou / quatre dissertations d’Ægidius Stranchius De computo Thalmudico-Rabbinico, De anno Ebræorum Ecclesiastico, De computo veterum Germanorum, De computo Gregoriano.

Mr Saurin ministre d’Utrecht vient de publier un nouveau livre contre Mr Jurieu. C’est deja son 5 e tome, et je croi qu’il s’en tiendra là, car le monde ne lit plus guere ces sortes de disputes ; Mr de La Placette ministre françois à Coppenhagen vient de publier un livre sur la nature de la foi, où il marque les caracteres de la vraie, et ceux de la foi historique. Je ne vous parle point de l’ Argonauticon Americanorum qu’on vient d’imprimer à Amsterdam, car ce n’est qu’une nouvelle edition d’un livre que le jesuite Bisselius publia en Baviere l’an 1647, où il decrit les exploits de Pierre Victoria et de quelques autres missionnaires de son ordre. Les theologiens reformez de ce pays ci et entre autres un professeur en theologie de Franeker nommé Vander-Wayen se prepare[nt] dit-on à ecrire contre quelques chapitres de l’ Ars critica de Mr Le Clerc. Mr Leti a sous la presse un recueil de lettres. L’ Histoire du monde par Mr Chevreau vient de / paroistre à La Haye avec de nouvelles additions et corrections que le libraire de La Haie a eües de la premiere main.

Je vous sup[p]lie Monsieur, d’asseurer de mes tres humbles respects Monsieur l’abbé Bignon, et faites moi la justice de croire que je suis avec toute sorte d’estime votre tres humble et tres obeissant serviteur,

Bayle

Le journal d’Utrecht vous aura donné le precis d’un livre anglois fort curieux pour les antiquaires. Il contient les antiquitez de la ville de Palmyre. Vous voiez que je suppose toujours que Monsieur 1’abbé se fait envoier par la poste ce journal à mesure qu’il parait.

Vous avez lu sans doute les poesies latines de Secundus. J’y ai trouvé une epigramme in arcem Reginæ albæ, Parisiis, qui porte qu’une reine tres impudique y avoit logé. Seroit ce la femme de Charles VI ?

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