Lettre 1323 : Pierre Bayle à Bernard de La Monnoye

[Rotterdam,] le 7 e de nov[embre] 1697

Votre derniere lettre, Monsieur, a eté long tem[p]s en chemin, parce que Monsieur Bourdelot à qui Monsieur l’abbé Nicaise l’avoit fait tenir la donna avec d’autres choses à un homme qui venoit à Delft. •

La piece de poesie que vous m’avez fait la grace de m’envoier m’a paru d’une beauté singuliere. Je la fis copier pour Mr Grævius et voici ce qu’il m’a repondu. Primum tibi gratias ago pro perlepida fabula quam cultissimis versibus expolivit elegantissimi ingenii Vates Divionensis, ex cujus officina aliae festivae hujus generis fabulæ ad me pervenerunt non nunquam, studio nostri Nicasii. Plurimum sane tibi debeo cum eam mecum communicasti, nec non Auctori tam venusti Carminis, qui hac voluptate quam ex ejus lectione cepi, nos noluit defraudare. Si quando litteras / ad eum dederis, rogo ut salutem et officia mea ei deferas, meoque nomine gratias persolvas.

J’avouë que Mattheo Bandello etant moine n’eut pas dû traitter de tels sujets, mais si sa prose avoit les agremen[t]s de votre poesie, je le regarderois comme superieur à Boccace.

Celui qui a cité Samocratius et Nigidius, De remedio amoris, n’est pas que je sache Gautier Burlei, mais il vaut encore moins que lui. Il s’appelle Francois Voilleret sieur de Florizel conseiller nottaire et secretaire du Roi maison et couronne de France. Son livre, intitulé Le Preau des fleurs meslées ne vaut rien, il fut imprimé en Angleterre sous Jaques I er[ :] l’année de l’impression n’y est point marquée.

Votre conjecture que Samocratius vient par corruption de / Zamolxis Thracius est bien ingenieuse, mais j’admire encore plus celle que vous faites sur le passage de Diogene Laerce que ni Gassendi ni Menage n’ont pu entendre. Rapporter au0tou= [lui-même] à Carneade ne semble point s’accorder avec le mot barunqe/ntoj [mécontent, ne pouvant plus supporter], mais au fond la dif[f]iculté est petite car pourquoi les Grecs n’auroient ils pas dit comme nous ferions en francois, que les • bienfaits dont on a eté comblé etoient un poids qui obligea etc. Mais de quelque façon qu’on le tourne il me paroit que Diogene Laerce a voulu parler d’un homme qui avoit vu et pratiqué Epicure, de sorte que la dif[f]iculté demeure toujours. Diogene met Epicure et Carneade contemporains.

Vous me ferez Monsieur, un plaisir et un bienfait incomparable si vous voulez bien me donner vos bons avis avec toute sorte de sincerité sur les fautes que j’ai commises. La 1 ere edition d’un gros ouvrage comme le mien est presque toujours comme les petits de l’ourse.

A Monsieur / Monsieur de La Monnoie / A Dijon

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