Lettre 1332 : Pierre Bayle à Jean-Baptiste Dubos

On vient de réimprimer ici Palingenius ; mais cette édition, ne surpasse les autres qu’en ce que l’on y a joint le sommaire de chaque livre. C’est un poëte si estimé en ce païs-ci qu’une infinité de gens, d’ailleurs peu sçavan[t]s, en sçavent par cœur de longues tirades de quarante ou cinquante vers.

Le livre de Mr Léti sur les Lotteries a donné lieu à plusieurs écrits. Un anonime a publié des Considérations sur cet ouvrage, qui furent fort estimées. Mr Léti aiant écrit depuis peu, une préface contre ces Considérations, l’anonime vient de la réfuter, et déclare, à la fin de son écrit, qu’il s’appelle Pierre Ricotier. C’est un proposant françois, qui n’a pas encore vin[g]t-cinq ans. Il a beaucoup de feu, et l’on a été surpris que son coup-d’essai ait été une piece / si forte, et si bien tournée. Vous remarquerez que cette préface de Mr Léti est à la tête d’un recueil de lettres qu’il a reçuës en divers tem[p]s, et qui le louent beaucoup. Il prétend opposer ces lettres, comme un bouclier impénétrable, aux médisances personnelles de ses ennemis, et au mal qu’ils disent de ses ouvrages.

Auriés-vous connoissance d’un manuscrit fait à Paris, qui traite des révélations et inspirations en général, et qui réfute en particulier l’ouvrage de Marie d’Agréda et en donne l’histoire ? Je sçai qu’on tâche de lui trouver un imprimeur en Hollande. Il s’en est fait cinq copies ; quelqu’une, peut-être, a été luë, ou par vous, ou par vos amis. Si cela est, je vous prie de me dire ce qu’on en pense.

Je suis toûjours etc.