Lettre 1356 : Pierre Bayle à Jean-Baptiste Dubos

A Rotterdam, le 31 de mars, 1698

Le Diction[n]aire de Furetière revu et augmenté par Mr de Beauval, n’étant pas encore fort avancé, on ne peut dire, ni ce qu’il coutera, ni quand il sera achevé d’imprimer. Les imprimeurs travaillent présentement à la lettre B. Je ne crois pas me tromper, en disant que cet ouvrage ne paroîtra pas avant le commencement du siecle suivant, c’est-à-dire, avant janvier 1701.

Le Moreri de Hollande est achevé : il est du même prix que l’édition précédente, contenant précisement le même nombre de feuilles.

On ne peut encore rien dire touchant la nouvelle édition du Dictionnaire historique et critique. Mr Leers ne la commencera, que lors que les exemplaires de la prémiere commenceront à manquer.

J’ai vu le projet imprimé, dont vous me parlez, du grand Diction[n]aire de Chappuzeau, et il n’y a que peu de jours que le s[ieu]r Wetstein, libraire d’Amsterdam, (c’est le principal des associés pour l’impression de cet ouvrage), me dit qu’il doutoit beaucoup qu’on le mit jamais sous la presse. L’auteur a envoié une partie considérable de son Diction[n]aire audit Wetstein ; mais, on lui demande à voir le tout, avant que de commencer. La précaution est juste, à cause que l’auteur étant avancé en âge, on peut craindre, que s’il restoit seulement un tome à faire, sa mort ne lui permit pas de l’avancer. Vos réfléxions là-dessus sont très judicieuses et très agréablement exprimées.

L’édition de Lycophron, qu’on a faite depuis peu en Angleterre, est un très bon livre de bibliotheque. L’étude du grec fleurit en ce païs-là extraordinairement. Les Alleman[d]s, incitez par cet exemple, s’attachent beaucoup à cette langue. Je voudrois que les François se piquassent d’émulation à cet égard ; mais, je ne l’espere point. On s’est trop laissé gâter en France par le goût des choses divertissantes et des livres de bagatelle. Ce que j’ai dit de l’édition de Lycophron, je le dis aussi de celle de Pindare in folio, qui nous est venue depuis peu d’Oxford : elle est bonne et belle.

Nous avons perdu depuis quelques mois l’un des plus grands Grecs de l’Europe. C’est Mr Kuhnius, qui est mort à Strasbourg. Il a laissé de bonnes choses sur Pollux, dont Wetstein va commencer l’impression. Crénius vient de publier un second recueil de pieces latines, qui n’avoient gueres paru que dans les académies d’Allemagne. Elles roulent sur des matieres en partie théologiques, et en partie philologiques. On va travailler en Allemagne à une édition des épitres d’ Hubert Languet qui sera beaucoup plus amples que toutes les précédentes.

Le libraire Wetstein, qui est un peu prévenu des opinions des mystiques, a réimprimé tous les écrits de Mr de Cambrai, et un ouvrage latin, qui avoit paru il y a quatre-vin[g]t ans, tout confit de théologie mystique, et dont l’auteur s’appelle Barbanson. C’est un capucin. On a imprimé en françois le sermon que l’ évêque de Salisburi prononça le jour que la paix fut publiée à Londres. Cette traduction pourroit être de Mr de Rosemond. C’est lui qui a mis en françois le livre latin du docteur Smith, de l’état présent de l’Eglise greque. On a publié depuis peu à Amsterdam cette version. Je suis etc.

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