Lettre 1386 : Gottfried Wilhelm Leibniz à Nicolas Malebranche

Hanover 2/12 octobr[e] 1698

Au R.P. de Malebranche

• Mon reverend Pere

Comme Mons. l’abbé Torelli • m’a temoigné d’avoir l’honneur de vous connoistre, je n’ay • pas voulu qu’il partist d’icy sans vous porter des marques • qui vous puissent faire connoistre, combien je continue de vous honorer. J’en ay souvent donné d’autres, • lors même que j’ay • avoué que nous n’estions pas en tout d’un même sentiment. Nous • nous faisons tous deux un si grand interest à avancer la connoissance de la vérité, que nous nous sçaurons tousjours bon gré des • éclaircissemens que l’un peut fournir à l’autre ou au public. Je vous ay • eu de l’obligation de ce que vous avés • bien voulu m’en avoir, lorsque vous avés • retouché à vos loix du mouvement, et quoyque à mon avis la loy de la continuité que j’avois mise autresfois en avant dans le journal de Hollande, et qui vous avoit plû jusqu’à donner • occasion à vostre changement, s’y trouve encor un peu interessée, quoyque d’une maniere moins perceptible qu’au commencement ; néantmoins j’ay crû que je n’aurois pas bonne grace • d’y insister à vostre egard, pouvant m’expliquer sans cela. Car je crois en effect que les loix de la nature ne sont pas si arbitraires qu’on pourroit bien s’imaginer. Tout est determiné dans les choses, ou par • des raisons • comme geometriques de la necessité, ou par des raisons comme morales de la plus grande perfection.

• Vos beaux écrits mon Reverend Pere, • ont rendus les hommes beaucoup plus capables qu’ils n’estoient auparavant, d’entrer dans les verités profondes . Si je pretends d’en profiter[,] je ne manqueray pas aussi de le reconnoistre. • Mons. Bayle • a fait des • objections contre mon systeme dans son beau Dictionnaire à l’article de « Rorarius ». Mons. de Beauval publiera • mes solutions dans l’ Histoire des ouvrages des scavans, apres l’avoir communiquée [ sic] à Mons. Bayle, qui m’a écrit là dessus une lettre tres obligeante • où il reconnoist la force de ma reponse. Je ne • laisseray pas de le prier de • me marquer, • s’il y a encor quelque chose qui l’arreste. Et rien ne m’est plus agreable que de pouvoir estre instruit par des personnes • aussi profondes et aussi eclairées que vous et luy.

Je suis avec zele mon Reverend Pere vostre tres humble et tres obeissant serviteur

Leibniz

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